La pornographie ou l’épuisement du désir est un livre de Michela Marzano (qui a aussi co-rédigé Alice au pays du porno). Publié chez Buchet/Chastel en 2003.

Je commence par un sommaire sommaire :

  • Première partie : Pornographie, érotisme et désir.
  • Deuxième partie : Pornographie, société et violence.

Voici la description qui en est faite :

Alors que l’érotisme met en scène le mystère du sujet et de la sexualité, la pornographie flatte le voyeurisme et livre au regard un corps morcelé, privé de visage. Plaçant le spectateur dans le registre de la sensation et de la consommation, elle efface le désir lui-même. Elle conduit à l’asservissement et à la disparition de l’humanité de l’homme. Loin d’être un rappel à l’ordre, le livre de Michela Marzano permet de distinguer les enjeux éthiques qui sous-tendent les représentations du corps humain, et offre un plaidoyer pour la liberté et la responsabilité, afin que l’autre demeure celui dont la rencontre nous conduit au meilleur de nous-mêmes, voire au-delà.

Un essai philosophique sur le désir et la dignité humaine

Michela Marzano est philosophe. Elle livre dans son essai une lecture de philosophe de la pornographie et du désir. Elle part d’un principe qui me paraît élémentaire : l’humain ne doit pas être pensé comme une marchandise. « Essayer de montrer que la pornographie efface l’humain dans l’Homme signifie partir du présupposé que l’être humain, en tant que tel, est une personne et qu’il ne doit jamais être traité comme un instrument, mais toujours comme une fin ; que chaque individu est autonome et, d’une certaine façon, maître de ses décisions et de ses choix ; et enfin que chaque personne possède une dignité intrinsèque qu’on n’a pas le droit de lui enlever. » (p.17)

La notion de dignité est éminemment difficile à cerner. Qu’est-ce que la dignité ? On n’a pas fini de répondre à cette question. Je pense comme elle que c’est une notion intrinsèque à l’Homme. Une personne harcelée, violentée ou violée est, selon moi toujours digne ! Si on associe dignité et sexualité, cela se corse encore un peu : « la sexualité humaine n’est jamais quelque chose de facile, de linéaire, de simple » (p. 23).

La différence entre érotisme et pornographie expliquée

Cette différence que je redécouvre depuis mon sevrage à la pornographie et mon sevrage à la masturbation est bien expliquée dans le livre. On fait souvent le raccourci (et moi le premier) de dire que les scènes de sexe explicite sont pornographique. Cependant, c’est plus compliqué que ça. Une scène de sexe explicite peut être érotique et non pas pornographique. La différence se situe dans le respect que les partenaires se portent et dans le fait de tout dévoiler ou non. La pornographie morcèle en livrant avec une transparence complète tout des partenaires. Rien n’est voilé, caché. « Si l’intimité renvoie à l’expérience intérieure et au noyau dur de chaque individu, alors elle conduit aussi à l’être. C’est pourquoi seule une parole qui parle sans dévoiler peut l’exprimer et seul un corps qui s’ouvre sans se perdre peur le montrer. » (p. 171)

L’addiction à la pornographie gomme l’érotisme. De même qu’un alcoolique qui cherche à se sevrer ne peut pas animer un cours d’œnologie, un accro au porno ne peut pas profiter d’un érotisme bien dosé. Pourtant, c’est une dimension fondamentale du couple.

Une vrai critique de la pornographie

Les mots parlent d’eux-mêmes : « Là où la sexualité déploie la personne et sa valeur, la pornographie les nie, destituant l’humain dans le corps. Elle est l’affirmation de l’inhumain par le déchirement violent de toute surface, jusqu’à la désarticulation de l’intégrité physique du moi. » (p. 43)

Une pornographie qui n’éveille que le désir impérieux : « Entre l’envie impérieuse et l’endormissement du rassasiement sexuel, il n’y a plus de temps pour le désir. C’est ainsi que l’image pornographique se construit sur le renversement continu et obsessionnel entre le vide et le plein : le vide du corps qui n’attend rien d’autre que la pénétration : le plein du corps pénétré, qui n’a plus rien à offrir que sa fermeture, que l’étouffement du désir. » (p. 70)