Jean-Paul Brighelli dresse dans son pamphlet qu’est la Société Pornographique un portrait à l’acide de la dite pornographie. Son ouvrage prend la forme d’un mélange entre 1/ sa prose sur le sujet 2/ des passages immersifs dans le porno d’Internet 3/ des échanges avec son ami A et sa bonne amie C. J’annonce tout de suite, les dits passages immersifs ne sont pas à lire pour vous qui galérez avec le X. Clairement pas ! C’est dommage car le reste vaut le détour. En voici quelque aperçu.

On confond l’être et l’avoir

Tout son texte toune autour de l’idée suivante : la pornographie est le fruit du libéralisme poussé à l’extrême. Le résumé au dos annonce d’ailleurs bien la couleur : « La société pornographique met l’homme et la femme à la chaîne, en feignant de les libérer. Elle les segmente, en évitant de garder la tête – le sexe lui suffit. Elle tue le désir en prétendant le combler. Elle fait le vide. Elle fait le rien. Le monde libéral est d’essence pornographique. L’économie a trouvé sa transcription libidinale, et le désir s’exprime en termes de marché. »

Après la malbouffe, le libéralisme a inventé la malbaise. C’est de cette malbaise qu’il est question ici. Mais attention, pour Jean-Paul, pas question de confondre érotisme et pornographie. Celui-là fait le grand écart entre celle-ci et le puritanisme qui est l’autre face d’une même médaille ultralibérale. Pour vaincre ce malaise de la malbaise, il prône un retour en grâce de l’érotisme qui voile (à peine) les corps laisse l’imaginaire s’imaginer. Une forme de slow-sex en somme, un façon d’appréhender le sexe lentement et en conscience.

« Il faut savoir prendre son temps pour jouir et faire jouir ». Cette idée me plaît beaucoup. Faire les choses tranquillement en étant présent à ce que l’on fait. Car finalement, les livres sont à l’érotisme ce que les écrans sont à la pornographie. Le truc, c’est que pour un accro au porno, faire le distinguo entre érotisme et pornographie en période de sevrage relève d’un des douze travaux d’Hercule !!

C’est fouillé

Pour moi qui ne suis pas un grand littéraire, j’ai trouvé ça très fouillé. Il cite Sade, des actrices porno, Kant, de nombreux auteurs de moi inconnus, etc. Ses détracteur (comme ici) vous diront que c’est nul, plein de raccourcis, une généralisation ignoble dégoulinante de morale abjecte, etc. Ce n’est pas mon point de vue. Certes, il généralise (tout comme tous ceux qui vous parlent de porno mainstream : le porno massivement populaire) mais c’est ça qui est intéressant. Comment ne pas s’indigner que le porno ressemble – en général – aux passages qu’il cite ? Comment ne pas ignorer qu’un des tags les plus vus au monde est le tag #Teen ? Que les tags incestueux ne s’arrêtent pas là, c’est ça le drame…

Une citation pour terminer :

« Il est de plus en plus dur de faire dire à un jeune homme moderne qu’il aime la fille qu’il baise »
p.130