Bonjour, je m’appelle Laurent, je vous adresse ci-dessous le récit de 5 mois de parcours de sevrage pour sortir de la dépendance à la masturbation. À ce stade, rien n’est gagné mais j’ai jugé utile de livrer ce témoignage, pour moi, pour mes proches et l’ensemble de ceux qui souhaitent s’en sortir.

Je consomme du porno depuis l’âge de 12 ans (j’en ai 43). En couple avec 2 enfants. J’entre progressivement depuis 1 ou 2 ans (voire plus) dans un état dépressif. Je deviens irritable, con, j’ai des pensées suicidaires, des problèmes d’érection récurrents, deviennent permanents. Seul le porno (et encore) arrive à me procurer une érection « satisfaisante ». Je suis fatigué, las, tout me gonfle : mes amis, ma femme, mes gosses, je ne supporte plus personne, pas même moi. je me réfugie dans le travail, et le porno.

9 septembre 2015 – Prise de conscience sortie du déni après 1 an de doutes et de combat intérieur Début du 1er sevrage.

20 septembre 2015 – Au bout de deux semaines de sevrage, je crois perdre la tête. J’alterne entre période d’euphorie et détresse profonde. Idées suicidaires en nombre. Des troubles su sommeil apparaissent. Je décide de consulter un psy, qui m’oriente rapidement vers une psychothérapie (analyse).

30 septembre 2015 – Je suis en 4e semaine de sevrage. Ma compagne n’est pas au courant, elle sait seulement que je vois un psy pour régler mes problèmes d’irritabilité et de déprime « probablement dus à un surmenage au travail ». Ouverture d’un carnet sur un forum dédié à la pornodépendance.

À ce stade, je n’ai plus aucune envie consciente de consulter des sites pornos. Pour autant je ressens des journées de profonde déprime que je ne connaissais pas quand je n’étais pas en sevrage, alternant avec des journées d’optimisme et de dynamisme. Certains jours je ressens une oppression permanente et une nervosité que je n’arrive pas à calmer. Tout m’angoisse et je n’ai plus aucune confiance en l’avenir… hier c’était le contraire tout allait pour le mieux dans une vie nouvelle.

Pour autant, je n’ai aucune envie de replonger et l’idée même de retourner sur le web pour consulter ne me tente pas.

19 octobre 2015 – Rechute au bout de 5 semaines de sevrage / pour autant je ressens les effets bénéfiques combinés du servage et de la psychothérapie. Les idées suicidaires ont disparu. elles ne reviendront que plus rarement par la suite.

29 octobre 2015 – Après 10 jours de rechute, je remets mon compteur à Zéro. Pas de malaise. la motivation est toujours là. J’ai juste cédé à mon excitation dû au retour de mon mojo, et à l’illusion selon laquelle me problèmes étaient résolus et que le porno n’en faisaient plus partie. Il ne s’agit pas d’un retour en arrière mais d’une nouvelle étape dans un lent processus de guérison. Le travail effectué en psychothérapie porte également ses fruits. Mon addiction au porno est liée à une faible estime de moi.

20 novembre 2015 – Rechute au bout de 3 semaines de sevrage – je me suis cru tellement fort – j’ai cédé à la nostalgie. Je replonge dans l’excès – le moral reste bon.

14 décembre 2015 – Apres une rechute de 3semaines je remets les compteurs à zéro. Pas de déprime. par contre le mojo en berne comme jamais. Paradoxalement le moral est bon.

27 décembre 2015 Plusieurs rechutes durant les précédents jours.

4 janvier 2016 – 8 jours sans P (Porn) ni MO (Masturbation et Orgasme)

J’insiste sur l’absence de MO. Cela ne m’était jamais arrivé, même pendant mon précédent sevrage PMO (5 semaines) Sensations : très bonnes. Même si résister à la tentation est très dur (surtout au boulot, face à l’écran) je note un retour des érections matinales + retour des érections avec ma compagne. Cela semble plus facile de rechuter si l’on se masturbe régulièrement (même si ce n’est que tous les 2 jours) Supprimer la MO semble améliorer grandement les effets du sevrage.

Paradoxalement retour de l’état dépressif, troubles du sommeil, déprime. Rétrospectivement c’est une lutte intérieure comme un démon qui se réveille en moi.. il faut que je cède.

5 janvier 2016 – rechute – reprise PMO sans limites. Retour du déni – compulsion, et avec, disparition de l’état dépressif le démon me récompense. Lente descente vers l’excès. je ne déprime plus, je m’enfonce avec excès dans une conso de P. très élevée. Toutes mes pensés sont occupées par ça. La psychothérapie avance, mais je rame dans un torrent boue.

24 janvier 2016 – Reprise du sevrage.

26 janvier 2016 – suite à un évènement perso très dur à vivre – La partie glauque de ma vie émerge, durant une séance de psychothérapie. Ça me pête à la gueule.

Je réalise la charge de violence que les images porno comportent en elles. Visionner de la pornographie est un acte de violence. C’est violent car il s’agit d’un acte sexuel non consenti par l’objet du désir (l’actrice, la situation érotique, le coït filmé). Chacun aura sa propre interprétation mais en ce qui me concerne, elle s’apparente à un viol. Un viol car absence de consentement, limité à la seule consommation de l’autre. Se branler 5 fois par jour en matant du porno c’est se mettre toute la journée dans un schéma de violence, et de négation de l’autre, de la relation à l’autre. Il ne doit y avoir aucun jugement moral sur cela.

Après avoir verbalisé ce qui précède, la compulsion se dissipe. L’envie de porno a disparu, ou plus précisément s’est déplacée vers un autre désir. Dans mes sevrages précédents, la sensation de manque était omniprésente : l’impression de devoir avancer sans béquille (la pornographie). A présent, la béquille a disparu, et je ne la réclame plus – je peux tomber mais ça ne m’inquiète plus – je ne sais pas si cela va durer, mais je l’espère. D’autres voies, jadis fermées s’ouvrent et je ne sais pas ce qui qui s’y trouve. Je vais maintenant les explorer…

1er février 2016 – 9 jours sans porno ni masturbation. L’envie revient mais cette fois une envie physique … mon esprit, qui j’adis le voulait, s’y refuse.

4 février 2016 – 11 jours sans PMO et presque 5 mois après le début de ma démarche de sevrage et de sortie de l’addiction, l’envie de Porn n’existe plus. Je ne souhaite pas retourner en consulter ne serait-ce que ‘pour voir ce que ça fait’. Je n’ai même pas peur de ma réaction au contact d’images porno. Le sujet a juste disparu de mon esprit – je ne lutte plus – je me fais confiance.

Maintenant commence un autre travail pour ne pas replonger : se ré-approprier sa sexualité. Apprendre ou découvrir quels sont mes vrais désirs – prendre du plaisir et s’amuser dans la vraie vie. Le personnage fantasmé (mon double porno) qui vivait ses orgies à ma place va s’en retourner d’où il vient.

8 février 2016 – en travaillant sur moi, j’ai réussi à réaliser que ce que je nomme « mon addiction » (je n’ai pas d’autre mot) s’interpose entre moi et l’objet de mes désirs (sexuels ou affectifs). Un « monstre » qui aspire mes désirs et les détourne de leur objet véritable pour cela, il se sert de la pornographie comme d’un piège à émotions (désirs). Parallèlement je tente de déconstruire mes rêves (inceste, autofellation) pour me réaproprier mes désirs et ma sexualité.

10 février 2016 – 5 mois de combat contre l’addiction – Bilan :

  • disparition des pensées suicidaires
  • disparition de l’irritabilité
  • disparition des angoisses
  • des relations apaisées avec mes proches (enfants, compagne)
  • une vision positive de l’avenir
  • la fin des envies de réaliser ses fantasmes via le porno , soit le retour des fantasmes dans la sphère des fantasmes

La MO est toujours là, mais plus rare qu’avant. Je réalise que le next step consiste à abandonner la MO. Comme pour le P il faut peut être réaliser que ce n’est pas un besoin vital (surtout si l’on vit en couple).

Globalement j’ose le dire : ÇA VA DE MIEUX EN MIEUX.

Évidemment le travail de psychanalyse, n’est pas étranger à l’amélioration de mon état. Mais ce travail ne peut s’accomplir sereinement qu’à l’aide d’un sevrage sérieux, et inversement.

17 février 2016– J’en suis au stade où le comportement addictif ne s’exprime plus. Par contre, ma sexualité est encore détraquée par des années de visionnage et de PMO.

J’espère retrouver un jour mon équilibre sur ce terrain. J’y travaille, mais cela semble dépendre de facteurs physiques liés (peut être à la chimie du cerveau). J’ai l’impression que mes moyens d’actions sont plus limités que pour le traitement du comportement addictif pour lesquels la médiation et la psychanalyse sont d’excellents leviers.

J’espère que le sevrage PMO désormais facilité par la disparition du comportement additif me permettra de me rétablir dans une vie sexuelle saine et active avec ma compagne.

J’ai l’impression que c’est une difficulté à laquelle beaucoup de dépendants peuvent succomber. Beaucoup d’efforts pour se sevrer, avec des effets bénéfiques sur le terrain psychique mais sur le plan purement sexuel/physique, des résultats aléatoires..voire un sentiment de perte de plaisir… alors peut renaître à ce moment là une forme de découragement et la tentation de retourner vivre une vie d’excès sexuel et d’excitation permanente via le porno.

Pour ma part, pas de découragement, je poursuis ma démarche en vue d’aboutir à un rétablissement (reboot?).

23 février 2016 – GOOD NEWS 30 jours bouclés, cap sur les 40, 60 et au-delà, mais qu’importe : L’abstinence de porno est de moins en moins un enjeu.

Je tente désormais de réduire la MO (sans en faire un enjeu « vital ») et de prendre du recul face à l’addiction, ou du moins du sentiment d’être un addict. Faire en sorte que ce que j’ai identifié comme un problème devienne un non-problème.  Etre plus cool et détendu avec les questions de sexualité. Ne plus me prendre la tête avec ça. J’ai pu prendre conscience que ma vision de la sexualité avait été biaisée dès départ, à cause de relations toxiques avec mes parents. Ce qui a été tabou dans mon enfance s’est mué en une fin en soi à l’adolescence, puis en way of life lié à la performance dans ma vie d’adulte. En perdant mes érections, j’avais perdu ma virilité (mirage!!), ma vie, mon identité.

La psychanalyse m’a permis de remettre le sexe à sa place dans ma vie. Le travail n’est pas encore tout à fait achevé mais je vois que jour après jour ma vision des choses sur ce terrain change. C’est énorme car j’ai l’impression de constater en direct l’évolution de mes points de vue et de mon comportement. j’ai désormais envie d’adopter une attitude positive face à cette question.

Aujourd’hui je réalise qu’après tout, si j’ai des pannes avec ma nana, je ne vais pas en mourir. Ca ne peut que s’arranger si je reste relax et bien dans mes baskets en évitant de m’auto flageller avec des pensées culpabilisantes et un sentiment de honte (que le porno ne fait qu’entretenir).

J’arrive à vivre sans porno et ça c’est SUPER COOL  :)  je crois (non j’en suis sûr!!)  que je vais continuer …



FlorentMerci Laurent pour ce témoignage qui aidera, j’en suis sûr, d’autres qui se posent la question de « concrètement, comment je fais ? » Je retiens de cette démarche :

  • la prise de conscience en septembre,
  • le travail d’analyse de soi avec le psy,
  • le carnet de notes,
  • tous les fruits que tu cites…

Continue, on a besoin de gens comme toi qui font ces efforts et ces analyses et les font partager aux autres !